L’ARCEP a lancé une consultation sur la problématique de la “la montée en débit” car “Bénéficier d’une montée en débit des offres d’accès à Internet sur les réseaux fixes est une demande forte des consommateurs relayée par les collectivités territoriales”. Moult acteurs (FAI, collectivités, entreprises…) se sont exprimés et l’ARCEP a rendu ses conclusions en février 2010… et on n’est pas prêt de voir notre ReADSL 512 “monter en débit”
En préambule quelques passages de la note de cadrage de la consultation de l’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes) :
“La plupart des consommateurs ne se satisfont plus d’offres limitées à des débits de 512 Kbit/s voire de 2 Mbit/s et souhaitent disposer d’offres plus performantes.”
“Les estimations en matière de débits disponibles laissent apparaître qu’environ 13 % des lignes ne permettent pas de disposer de débits supérieurs à 2 Mbit/s. Ce pourcentage est porté à 24 % pour des débits supérieurs à 4 Mbit/s.”
“Plusieurs solutions techniques sont disponibles. Si la plus pérenne d’entre elles demeure le développement des réseaux FttH, les solutions d’accès à la sous-boucle pourraient constituer des solutions complémentaires.”
“Dans ce contexte, un certain nombre de collectivités souhaite non seulement éviter l’établissement d’une nouvelle fracture numérique sur le très haut débit, mais surtout, pouvoir dès maintenant combler les disparités territoriales existantes sur le haut débit.”
“Les opérateurs redoutent les impacts concurrentiels des solutions d’accès à la sous-boucle.”
Dans cette consultation l’ARCEP “met de côté” plusieurs solutions / technologies qui pourraient permettre une “montée en débit” :
- Le déploiement de réseaux très haut-débit par fibre optique FTTH (cela fait partie d’autres consultations / régulations en cours).
- Les futurs réseaux mobiles 4G / LTE (qui vont faire l’objet d’une procédure d’appel à candidature en 2011).
- Le “dividende numérique” qui est la conséquence de l’arrêt en 2010-2011 de la télévision analogique, qui va libérer des fréquences hertziennes qui pourraient être ré-utilisées pour de l’accès Internet sans-fil.
- D’une manière générale toutes les solutions hertziennes (wifi, wimax…)
L’ARCEP concentre sa consultation sur l’évolution de la “boucle locale cuivre” qui porte aujourd’hui l’ADSL. Avant d’aller plus loin, un petit retour en arrière sur le fonctionnement de l’ADSL (lire à ce propos : “ADSL, comment ça marche (pas)”).
L’ADSL est “transporté” par la “boucle locale cuivre” depuis le NRA (anciennement central téléphonique) à la prise téléphonique du domicile. La boucle locale est la propriété de France Télécom qui vend aux FAI des droits d’accès à celles-ci (réglementés). Or la boucle locale comprend entre le NRA et la prise téléphonique un autre équipement le sous-répartiteur (SR).
C’est dans celui-ci (généralement une “armoire” située en extérieur, voire photo) que les cables de paires de cuivre arrivant du NRA sont “orientés” vers leurs destinations (chaque domicile desservi par le SR). Les FAI interviennent dans la partie amont de la boucle locale (au NRA), la partie aval (du SR au domicile) est appelée la “sous-boucle locale”.
La consultation portait donc sur la comparaison de 3 solutions techniques pour intervenir sur la sous-boucle locale :
La solution de “bi-injection” consiste en l’injection de signaux DSL indifféremment à la boucle (au NRA, situation actuelle) et à la sous-boucle (au SR). Les FAI ont dès lors la faculté d’être présents soit à la boucle soit à la sous-boucle.
La solution de “réaménagement” consiste à établir un nouveau NRA au niveau du SR, un lien (fibre optique généralement) devant être construit entre le NRA et le nouveau NRA/SR. C’est la solution utilisée pour l’offre NRA-ZO de France Télécom (mise en place à Saint-Guilhem le Désert et Brignac). Elle oblige les FAI à être présents aux deux NRA.
Enfin le solution de “déport de signaux” consiste à multiplexer les signaux DSL en sortie de NRA, à les transporter au moyen de liens en fibre optique jusqu’à la hauteur du SR puis, après les avoir démultiplexés, à les injecter sur les paires de cuivre desservant les abonnés. Dans cette hypothèse, les FAI demeurent localisés au sein des NRA d’origine.
Des différentes contributions de la consultation il ressort quelques points communs :
- Les 3 solutions sont techniquement à peu près équivalentes, elles amènent les mêmes bénéfices en terme de montée en débit et progression de éligibilité ADSL.
- Les FAI ne voient pas forcément un grand intérêt dans cette montée en débit, car cela ne concerne pas une grande part de la population, cela n’améliorerait pas forcément le revenu qu’ils tireraient des abonnés ainsi traités (on paye le même prix pour du 512 Kbps que pour du 8 Mbps…).
- Les implications “concurrentielles” sont le souci majeur des FAI. France Télécom / Orange préfère les 2 premières solutions car elles l’avantagent par rapport à ses concurrents (qui doivent investir pour être présents dans les SR), les autres préférant le déport de signaux qui n’avantage personne (solution neutre, on reste sur l’équipement au NRA comme aujourd’hui).
- France Télécom a une position ambivalente (pour ne pas dire plus) sur le sujet, car il est, d’une part l’opérateur gérant en monopole la boucle locale (donc toute démarche de montée en débit doit passer par FT, est facturée par FT…) et, d’autre part, opérateur privé en concurrence avec les autres FAI sur la fourniture d’accès aux particuliers.
- Ce sera aux collectivités (mairies, communautés de communes voire départements) de financer ces projets de montée en débit. Aucun opérateur ne financera ceux-ci directement.
- Les estimations de coûts sont plus que variables (pour ne pas dire fantaisistes). Pour l’équipement d’un SR (quelle que soit la solution retenue), il faudrait compter en 100000 et 200000 euros (même si en Belgique des opérations similaires n’ont coûté qu’en moyenne 30000 euros par SR). Ces tarifs dépendraient essentiellement des prix pour la pose des liens (fibre optique) NRA->SR, entre 12 et 100 euros du mètre (pour mémoire Gignac->Popian = 5500m) suivant les techniques employées (création de nouvelles tranchées, utilisation de fourreaux existants, pose aérienne…)
Personnellement, j’ai un faible pour la solution de déport de signaux, mais je reviendrai dessus dans un post pour détailler son fonctionnement et exposer mes raisons de la préférer et pourquoi ce serait une bonne solution pour Saint-Bauzille / Popian et plus largement pour les communes de la vallée de l’Hérault…
La conclusion de l’ARCEP maintenant (à lire : le communiqué de presse et le document de synthèse) :
Après avoir consulté l’ensemble des acteurs du secteur et recueilli l’avis de l’Autorité de la concurrence, l’ARCEP publie des orientations relatives à la mise en œuvre de ces solutions de montée en débit via l’accès à la sous-boucle locale.
- Dans les zones où le déploiement du FttH est prévu à court ou moyen terme (3 à 5 ans), l’ARCEP recommande aux acteurs publics et privés de ne pas déployer de solutions intermédiaires de montée en débit et de concentrer leurs efforts et leurs moyens sur ces déploiements de réseaux à très haut débit FttH.
- Là où le déploiement du FttH n’est pas prévu à court ou moyen terme, l’ARCEP estime que les solutions d’accès à la sous-boucle permettent d’apporter une montée en débit et peuvent donc être mises en œuvre rapidement, notamment par les collectivités territoriales.
D’ici mi-2010, après la fin des travaux techniques engagés, et conformément à ses obligations règlementaires, France Télécom précisera donc son offre de référence permettant l’injection de signaux DSL à la sous-boucle.
En clair : la montée en débit c’est bien mais :
- pas là où de la fibre optique pourrait être déployée un jour
- pas dans les zones dégroupées ou pouvant l’être un jour
- pour les autres, c’est possible de le faire… possible pas forcément encouragé
- de toutes façons, ce ne peut être que des “expérimentations”, qui doivent être validées avec l’ARCEP et ses commissions techniques (dans lesquelles on retrouve les opérateurs…)
- c’est aux collectivités locales de se débrouiller, de financer, de convaincre France Télécom de bien vouloir y participer
Bref, ce n’est pas demain la veille qu’on risque d’avoir autre chose que du ReADSL 512… au mieux.