En réponse à la consultation publique de l’ARCEP sur le Très Haut Débit, l’Association Fibtic “Tous à la Fibre Optique”, spécialisée dans le THD rural, propose la contribution suivante, demandant à l’ARCEP de grandement revoir sa copie…

Avis de l’Association Tous à la Fibre Optique dite FibTic sur le projet de décision précisant les modalités d’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique en dehors des zones très denses - 12 juillet 2010

Le présent projet de décision précisant les modalités d’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique en dehors des zones très denses émis par l’Autorité constitue une erreur manifeste d’appréciation.

Il résulte d’une rapide adaptation de la décision correspondant aux zones denses et est donc basé sur les mêmes principes de déploiement, à savoir, dépendre de la volonté des opérateurs de services d’investir ou non dans une zone donnée. Dans la plupart des zones rurales et périurbaines, ce principe ne peut fonctionner car aucun opérateur de services n’y trouvera la masse critique d’abonnés pour y investir, même si l’Autorité garantit certains principes de mutualisation.

Pour ces zones non denses, une infrastructure publique doit être mise en oeuvre : il s’agit d’un réseau d’adduction en fibre optique correspondant à un besoin public, au même titre que l’électricité et l’eau. Sur ce réseau d’adduction en fibre optique, neutre et ouvert, donc mutualisé, les principes de concurrence seront exercés au niveau des services fournis aux abonnés et non pas au niveau des infrastructures.

Minimiser les coûts d’infrastructure tout en garantissant l’ouverture à la concurrence au niveau des services est la seule façon de répondre au souhait du législateur de lutter contre l’apparition d’une fracture numérique en France ; l’Autorité peut alors fixer des règles garantissant cet objectif et assurer un déploiement cohérent desservant l’ensemble du territoire. C’est d’ailleurs le sens de l’engagement du Président de la république lors de la clôture des Assises des territoires ruraux à Morée (Loir et Cher), le 9 février 2010, qui prévoit un objectif de couverture de 100% des foyers en 2025.

L’Autorité précise qu’elle a travaillé avec trois groupes de travail : le groupe aspects opérationnels et processus de mutualisation, le groupe très haut débit (GRACO), interface avec les collectivités territoriales et les opérateurs et le comité d’experts (équipementiers et opérateurs). S’agissant de règles concernant plus de 80% du territoire français, à majorité rural et agricole, il est surprenant de constater qu’elle n’a pas consulté de représentants spécifiques du monde rural et agricole.

En ces périodes de crise économique et agricole, les apports structurants du très haut débit dans les zones isolées sont importants économiquement, notamment, au niveau des petites entreprises, des possibilités de transformation des productions à la ferme ainsi que d’un certain rééquilibrage de l’habitat en France.
Cette préoccupation est d’ailleurs reprise dans les assises des territoires ruraux :
-stimulation des débouchés locaux pour des produits et des territoires ciblés,
-réduction de la fracture numérique territoriale,
-développement de l’emploi dans les territoires ruraux (télétravail).

Sans parler de la déclaration de M. Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, lors de ces mêmes assises : “Le très haut débit est une condition pour vivre normalement en ville comme en milieu rural. Et personne n’accepte plus qu’il persiste une différence entre urbains et ruraux sur ce point”. Il convient d’ajouter la composante “développement durable” du FttH dans la mesure où il contribue à une réduction des déplacements.

Cette absence de concertation a conduit à un document qui révèle une grande méconnaissance de ces territoires ruraux ou périurbains qui ne sont vus qu’à travers le prisme des installations et lignes cuivre de l’opérateur historique. Alors que selon une étude CDC 2007, les Français sont majoritairement logés en maisons individuelles, ces dernières au nombre de 16 millions, le document ne fait référence qu’aux opérateurs d’immeubles (§2, page10), immeuble s’entendant, dans ce cas, comme multi habitation. On pourra toujours rétorquer qu’une maison individuelle est un immeuble, mais en l’espèce, le mode spécifique d’habitat de ces zones mérite d’être amplement traité et documenté.

En ce qui concerne la taille des zones desservies par un point de mutualisation, toute la discussion n’a pas lieu d’être dans le cas d’un réseau d’adduction qui sous-entend une adduction systématique des foyers et des entreprises, au moins du point de vue des maisons raccordables (home passed). FibTic développe, en effet, une solution pré-connectorisée qui permet que l’utilisateur final installe lui-même sa desserte capillaire (à l’instar des antennes de télévision qui sont installées par les propriétaires pour recevoir les chaînes publiques et privées), la maison devenant donc raccordée. Cette approche, liée à un transport optique rural reposant sur un génie civil conventionnel réduit au minimum, rend le coût du foyer connecté en milieu rural du même ordre que celui des zones denses. Elle vaut également pour de petits immeubles des zones périurbaines qui voudront réaliser leur desserte interne eux-mêmes par l’intermédiaire d’un électricien formé à l’optique, par exemple. Chaque abonné, raccordé par un opérateur local de connectivité optique unique, dans le cadre d’un réseau ouvert et neutre, fera ensuite appel à un opérateur de services de son choix.
Malheureusement, malgré sa demande, FibTic n’a pas été acceptée au sein du Comité d’experts et n’a donc pu exposer les nouvelles techniques et le nouveau schéma organisationnel qu’elle promeut et qui rendent possible la desserte FttH à un coût abordable, y compris pour les sites les plus isolés. Cette nouvelle approche a un impact structurant sur l’aménagement numérique des territoires et n’est pas considérée dans le cadre du présent projet de décision de l’Autorité soumis à avis.

Il est curieux de constater que l’Autorité ratiocine sur les avantages et les inconvénients respectifs du point-à-point et du PON, aspects correspondant à des techniques différentes de déploiement d’opérateurs concurrents, et qu’elle n’aborde ni les différentes techniques de génie civil, ni le caractère impératif de bénéficier d’un standard de SIG pour assurer la cohérence du déploiement et la mise à disposition de toutes les informations sur les ressources disponibles. Il convient de rappeler que, en milieu rural, les techniques PON sont évidemment les plus adaptées car conçues à cet effet ; libre à certains opérateurs de ne pas les utiliser. Il nous semble que l’Autorité n’a pas à justifier sa décision par rapport aux deux techniques, mais, davantage, par rapport à l’impérieuse nécessité de raccorder tous les points du territoire, objectif du gouvernement.

La terminologie de zone arrière n’est pas claire. Nous demandons à l’Autorité de changer cette terminologie et de lui préférer zone desservie par un point de mutualisation. La notion de régulation asymétrique mériterait d’être parfaitement définie.

De la même façon, la longue discussion sur la forme, l’étendue, et les trous dans les mailles de couverture devient caduque si, d’emblée, on considère un raccordement systématique du territoire par un FttH natif, à l’exclusion de toute autre technique hybride qui n’assurera jamais les conditions d’un véritable très haut débit, lequel, selon FibTic, est un 100 Mbps bidirectionnel minimum qui sera un pré-requis d’ici à 5 ans, notamment pour la mise à disposition de plusieurs canaux simultanés de  télévision haute définition au sein d’un même foyer. On ne doit donc en aucun cas parler de la couverture la plus large possible du territoire mais de couverture de l’ensemble du territoire. Auparavant, les cantons auraient pu constituer une maille idéale. Avec la mise en oeuvre de la réforme des collectivités territoriales, on définira des mailles numériques administratives qui couvriront tout le territoire. Ce seront, par exemple, des communautés de communes correspondant à une dizaine d’axones GPON desservant de l’ordre de 10 000 foyers ou entreprises, ou davantage, raccordés à un réseau dorsal départemental ou régional. Chaque maille mettra en oeuvre un
syndicat, une coopérative, une société d’économie mixte, une SICA, un partenariat public-privé ou toute entité constituée en fonction des spécificités locales, qui procédera à l’adduction en fibre optique de son territoire et remplira les fonctions d’opérateur de réseau d’accès optique, sur lequel des opérateurs de services exerceront leur savoir-faire et pourront se concurrencer pour le plus grand bénéfice des abonnés, sans oublier la prestation de services locaux (schéma courant en Europe du nord). Les points de mutualisation naturels deviendront alors les NROs ; par le biais du backhauling, l’accès aux plateformes des opérateurs de services, accès Internet, téléphonie, télévision diffusée et vidéos enregistrées, pourront se trouver en des endroits très éloignés des utilisateurs.

Attendu que la décision finale ne doit pas empêcher la mise en oeuvre de produits, solutions et processus innovants visant à baisser le prix moyen de la prise rurale, nous demandons à l’Autorité de différer sa décision de 6 mois et d’organiser un nouveau processus de consultation du monde rural, en particulier, l’Association des maires ruraux de France, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, le Merat, la Datar, les organisations agricoles, le Cemagref et l’Inra. Ces derniers organismes réfléchissant aux nouvelles aménités du monde rural. Les solutions proposées par FibTic s’appuient en effet sur la mise à profit des espaces ruraux pour déployer des réseaux de fibre avec une précision extrême et exercer une maintenance de premier niveau, y compris à destination de zones plus urbaines, rapidement et à bas coûts tant en CapEx qu’en OpEx. La période nécessaire à l’atteinte de l’objectif fixé par le gouvernement pourrait être divisée par deux. Nous souhaitons fortement nous associer à ce processus.

Nous transmettons copie de ce document au sénateur Maurey et au Secrétariat d’État chargé de la prospective et du développement de l’économie numérique.

En ce qui concerne les financements, nous sommes en tous points d’accord avec l’Avicca, notamment sur la mise en œuvre de systèmes de péréquation et d’une taxe sur le secteur des communications électroniques. De même avec le principe de réintégration des actifs utilisables et appelés à être mutualisés de l’opérateur historique, dans le domaine public.

L’aménagement numérique des zones rurales et périurbaines est un objectif majeur. La France dispose d’une capacité de production de fibre optique inouïe, peu mise à contribution. Ce, alors que le Merat vient d’octroyer des fonds européens pour des projets de réduction de la fracture numérique, basés sur la montée en débit supposant, parfois, l’utilisation de liens radio, ce qui constitue un investissement à fonds perdus car il faudra tout reconsidérer dans 5 ans. Au contraire, une adduction systématique en fibre optique permettra même d’offrir dans les lieux isolés des services de téléphonie mobile 4G en connectant des micro stations LTE.

Redonnons un souffle au savoir faire français en matière de télécommunications grâce à un cadre règlementaire adapté. Une concurrence par les infrastructures ne saurait prospérer dans les zones non denses.